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Au procès de Neuengamme

par Marcel PRENANT

J’ai eu l’occasion déjà, à notre beau Congrès, de rendre compte à nos camarades du voyage que j’avais fait à Hambourg, pour témoigner au procès des assassins nazis de notre camp. Mais peut-être n’est-il pas inutile de résumer ici ce compte-rendu pour ceux de nos camarades qui n’ont pas pu assister au Congrès.

En décembre, j’avais été appelé à déposer à Paris devant un colonel britannique sur les atrocités de Neuengamme. Le 6 mars, j’étais averti que le procès allait commencer le 14 et invité à y aller témoigner, ce que j’acceptai, bien entendu à condition de séjourner là-bas le moins de temps possible.

Il n’y avait à ce procès que 14 accusés, tous SS, et tous de Neuengamme même. On m’avait expliqué, en effet, que ce n’était qu’un premier procès, pour lequel avaient été triés les plus gravement compromis des SS, et que les autres, ainsi que les kapos criminels et aussi les responsables des divers kommandos dépendant de Neuengamme, seraient jugés plus tard, avec moins d’apparat et de façon plus expéditive, une fois le premier résultat acquis.

Les 14 accusés n’étaient, en effet, pas mal choisis. Il y avait là PAULI, le chef du camp, et TOTSAUER, son adjoint, et le sinistre THUMANN, et le Rapportführer DREYMANN, et l’abominable brute SPEK de la Fertigungsstelle, et les médecins KITT et TRZEBINSKI, ce dernier responsable, entre autres crimes, de l’assassinat des 20 enfants en expérience à l’infirmerie. Je ne cite ici que les plus connus. Tous avaient la tête très basse et ne ressemblaient guère à ce que nous avions connu là-bas.

Le procès était beaucoup mieux mené que ne l’avait été celui de Bergen-Belsen et le procureur posait vraiment les questions utiles, au lieu de se perdre en détails oiseux. J’eus aussi la satisfaction de réduire les avocats au silence, quand ils essayèrent de me poser des questions, car mes réponses n’étaient pas à l’avantage de leurs clients et ils préférèrent vite se taire.

Je n’eus pas le temps d’attendre le verdict et nous ne connûmes celui-ci que beaucoup plus tard. Sur les 14 accusés, 11 étaient condamnés à mort. Des trois autres, TOTSAUER était condamné à 20 ans de travaux forcés, WIEDEMANN, l’Obersturmführer responsable des sentinelles, à 10 ans, et RIESE, l’assassin de la Fertigungsstelle*, à 10 ans aussi. Nous ne savons pas encore, à l’heure actuelle, si les condamnations ont été exécutées et si THUMANN est pendu**, ni si d’autres procès ont commencé.

Article paru en page 1 du n° 6 de N’Oublions Jamais !, en août 1946.

* Ateliers de fabrication (Walther-Werke)

** Les onze condamnés à mort furent pendus le 8 octobre 1946 à Hameln, en Basse-Saxe, à 45 km au sud-ouest de Hanovre. PLus de 100 procédures se déroulèrent ensuite jusqu’à 1948. Vingt SS de Neuengamme ou de ses Kommandos extérieurs furent condamnés à mort et exécutés. Beaucoup d’autres échappèrent à la condamnation.

Mars 1946
Les quatorze accusés devant le tribunal militaire britannique, à la Curio-Haus, à Hambourg (de gauche à droite) :

Max PAULY (commandant du camp), Karl TOTZAUER (son adjoint – n° 2), Anton THUMANN, Dr. Bruno KITT, Willi DREIMANN, Heinrich RUGE, Willi WARNCKE, Johan REESE, Adolf SPECK, Andreas BREMS, Wilhelm BAHR, Walter KÜMMEL, Karl WIEDEMANN, Dr. Alfred TRZEBINSKI