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Serment à nos Camarades

22 avril  1946

Devant ceux que nous avons laissés là-bas, frères de lutte surpris en menant le bon combat et que l’ennemi n’a pas rendus,
Voisins de block qui avalaient debout, à nos côtés, leur maigre pitance, compagnons de chaîne qui ont laborieusement dévidé avec nous toutes ces journées d’esclavage…
Camarades du camp que nous avons côtoyés dans leurs loques dérisoires pendant les appels infinis…
A tous ceux qui ont tant peiné après s’être insurgés contre l’asservissement de la Patrie,
Nous ici, dont la vie a été épargnée, nous ne pensons pas être quittes vis-à-vis d’eux. Nous connaissons les espérances qui les animaient. Implicitement nous en sommes les dépositaires et nous avons devant eux la responsabilité de réaliser aujourd’hui ces espérances, non seulement pour nous et les nôtres, mais pour justifier le martyre de nos compagnons tombés.
– Frères que nous avons perdus, vous pouvez compter sur nous pour continuer la tâche. Tous réunis devant votre souvenir, nous jurons de poursuivre la résurrection de la France en restant vigilants contre ses ennemis.
– Nous jurons d’exiger que soient justement châtiés vos bourreaux et que soient mis hors d’état de nuire tant que nous vivrons les tyrans de notre patrie.
– Par tous les moyens en notre pouvoir, nous nous emploierons maintenant à travailler à son bonheur.
– Nous jurons que le meilleur de notre effort sera de la vivifier par le dedans.
– Unis dans une même volonté féconde, nous ne cesserons jamais de sentir notre communauté de lutte et de misère pour donner l’exemple de l’entraide et de la fraternité.
Dans l’égoïsme et le laisser-aller de trop de compatriotes inconscients, nous, nous ne saurions oublier que la survie dont nous profitons n’est qu’un sursis pour nous permettre d’éclipser toujours, là où nous sommes, la lâcheté par le courage, le mensonge par la franchise, la mesquinerie par la grandeur. Vous n’accepteriez jamais que nous fussions rentrés pour nous montrer médiocres dans la France libérée et épuisée !
Hantés par votre récent calvaire, nous jurons de tout faire pour qu’il ne soit pas vain, en devenant dignes de vous, nous les premiers, et qu’à tout moment, vous puissiez nous reconnaître comme vos vrais camarades !
Amis encore tout proches, vous resterez constamment présents dans notre affection et nous jurons de rester jusqu’à notre mort fidèles à votre souvenir.

 

Texte adopté le 22 avril 1946, au cours du 1er Congrès national

de l’Amicale de Neuengamme